Les quotidiens
Midi Libre 02/01/2003.
Saint-Sylvestre inspire les raveurs
Quelque 5 000 jeunes ont participé à une fête techno de nouvel an, organisée
à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) dans la nuit de mardi à mercredi avec
l'aval des autorités. Après une nuit sans incidents, certains « teufeurs » ont
déclaré forfait au petit matin. Vers 9 heures, il restait sur place environ 4 000
personnes et un millier de véhicules. La rave devait se terminer hier
après-midi selon les engagements pris auprès de la préfecture par les
organisateurs, deux sound systems de la région regroupant une vingtaine de
jeunes, « tous bénévoles, agissant par amour de la musique et de la fête ».
Ces organisateurs avaient tablé sur une participation n'excédant pas 5 000
personnes, de manière à pouvoir "contrôler" les événements, considérant comme un "test"
cette free party, la première encadrée de la sorte dans le département, selon eux.
« De son succès pourraient dépendre les autorisations futures », estimaient-ils. Après
négociations avec la préfecture, un vaste terrain du Port autonome de Marseille, à la limite
sud de la plaine de la Crau, a été mis à leur disposition. Deux cents gendarmes et policiers
ont été mobilisés, ainsi qu'une équipe de la Croix-Rouge, en plus de l'équipe de Médecins du
Monde traditionnellement présente.
« La nuit a été relativement calme : petits soins, petits malaises, quelques hypothermies mais
rien de grave » se félicitait-on hier matin à la Croix-Rouge.
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La Provence 02/01/2003.
Après la Crau, les rave parties vont-elles sortir de leur ghetto?
Surveillés par des CRS et les médias, plus de 5000 "ravers" ont vécu
sans incident la première free party autorisée. Une nouvelle ère? "Nous
avons pris un très gros risque" disent les organisateurs Planté au
milieu de la Crau, au rond-point de la Fossette, avec vue sur les
Alpilles, le lieu offrait toutes les garanties de "lesprit free party".
Dabord lespace, dans une carrière, géographie quaffectionnent les ravers.
Laube froide de ce premier jour de lannée aura été vécue sur un
promontoire par beaucoup à admirer le lever de soleil, enveloppés dans
des couvertures. Pendant quun cracheur de feu et un raver maniant des
cordes terminées par des boules fluorescentes dansaient.
"Lespace, la liberté, cest important, notre alternative au système
commercial des discothèques" dit Benjamin Guerini, du Metek Sound
System, un des deux groupes organisateurs.
Et sil ny avait pas les 25000 spectateurs anticipés on ne sait sur
quels critères par les gendarmes dArles, 1200 voitures ont été
décomptées, originaires de tous les départements du grand sud français
jusquà La Rochelle et quelques immatriculations espagnoles.
Le son était "gros" et le tout était gratuit. "Sinon une donation par
voiture qui, avec les produits du bar, nous assure une opération
blanche", dit un organisateur.
Bien sûr, il y avait aussi la drogue. "Faut pas rêver" dit Armand Ulmer
du PC Croix rouge, une quinzaine de grosses raves en dix ans. "Qui a de
lecstasy?" demandait un jeune au petit matin. Placardé sur le fourgon
de Médecins du monde, un tract lançait un avertissement. Des dealers
avaient fourgué des comprimés "blanc Z", ressemblant à de lecstasy et
qui étaient en fait de la nivaquine, médicament contre le paludisme.
"A priori sans danger" dit un des médecins. "Je nai distribué que
quatre kits pour aider les personnes avec des problèmes de drogue."
De 22heures mardi soir jusquà 15 heures hier, fin officielle du son, à
la carrière Jean-François, on a créé un précédent observé par de
nombreux médias: cette free party avait été autorisée par la préfecture.
Lourde amende
Et cette première nationale a été vécue positivement. "Il n'y avait pas
le stress. C'est sans doute une des plus réussies que jai vécues", dit
Armand Ulmer. "Nous avons fait la démarche de demande d'autorisation
pour être dans le cadre de la loi. L'esprit était le même mais avec
davantage de tranquillité. Moins d'insécurité sur le parking, les
dealers ont sans doute hésité à venir, dit Benjamin Guerini. Je crois
que tout le monde était content." "Tout s'est bien passé", renchérit un
policier dans l'attente dun bilan officiel qui sera fait aujourdhui
par le commissaire divisionnaire Marc Labadié, resté tardivement sur le
site. Deux cars de CRS se sont relayés, positionnés à l'entrée de la
route, loin du site. Des véhicules des marins-pompiers faisaient
discrètement des rondes. A la sortie, sur la nationale, des contrôles
routiers étaient effectués. "Nous n'avons déploré aucun cas d'alcoolémie
ou de drogue", reconnaît un porte-parole de la police. Il restera à
savoir ce que pensera de l'expérience le Port autonome de Marseille qui
a prêté le terrain. "Quand nous avons vu les nombreuses caméras, nous
avons pris le micro pour demander que tout soit nettoyé. Nous sommes des
gens responsables", dit un organisateur. Des sacs poubelles avaient été
distribués à l'entrée. Peut-on penser que cette réussite va accoucher
d'une nouvelle génération de rave parties? Benjamin Guerini demande du
temps. "Nous avons pris un très gros risque alors que nous n'avons qu'un
statut d'amateur." Selon un autre membre de l'organisation, l'amende à
payer en cas d'incidents aurait été de l'ordre de 70000 euros.
Philippe WALLEZ
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AFP 01/01/2003.
Première free-party "légale" dans les Bouches-du-Rhône
FOS-SUR-MER (Bouches-du-Rhône) (AFP) - Plusieurs milliers de personnes
étaient attendues dans la nuit de mardi à mercredi près de Fos-sur-Mer pour
la première rave-party officiellement autorisée dans les Bouches-du-Rhône,
organisée par deux "sound systems" de la région.
"les organisateurs prévoit une participation ne devant pas dépasser 5.000
personnes", a indiqué la préfecture des Bouches-du-Rhône en précisant que la
manifestation prendra fin mercredi dans l'après-midi.
Des heures avant son début, la vingtaine d'organisateurs a préparé la fête
sur un terrain du Port autonome de Marseille (PAM) mis à leur disposition,
montant un mur d'enceintes, l'éclairage etc.
"La fête a fait l'objet de longues négociations avec les autorités. A charge
pour nous d'en faire un succès", indique un organisateur.
"En fait, c'est un challenge" souligne-t-il. "Un échec pourrait se retourner
contre nous et justifier de futurs refus".
Alors un peu plus haut, à l'entrée du parking, Elsa et ses amis, vieux
routiers de la techno, orientent les voitures. Et à chacune remettent un sac
poubelle. "Autant de déchets que nous n'aurons pas à ramasser demain",
commente-t-elle. "Enfin, peut-être", ajoute-t-elle en souriant. Car les
organisateurs disent s'être engagés à tout nettoyer.
Pour mieux contrôler et canaliser, ces jeunes ont également refusé dans
l'après midi le concours inopiné d'une autre équipe arrivée avec camion et
sono. "C'est une fête. Pas un +teknival+. Il aurait fallu qu'ils nous
contactent un peu plus tôt, même ce matin, que l'on voit qui ils étaient
comment ils travaillaient", regrettent-ils.
A la demande de la préfecture, la Croix-Rouge a pris ses quartiers à
proximité: huit équipiers avec un véhicule d'assistance. Les pompiers ont
également fourni trois VSAB qui serviront à d'éventuelles évacuations sur
l'hôpital de Martigues.
Médecins du Monde aussi est présent, mais sur la requête des ravers.
Une inquiétude pour le personnel soignant sur place: les risques
d'hypothermie guettant ceux qui se seraient déshabillés en dansant pour
s'écrouler de fatigue dans la même tenue légère. Un petit vent très froid
souffle sur cette vaste étendue désertique et a fait chuter le thermomètre.
Côté forces de l'ordre, près de deux cents personnes sont mobilisées pour
cette fête du réveillon, selon la préfecture: deux escadrons de gendarmes,
dont bon nombre restent stationnés dans une caserne proche, assistés de
policiers.
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Libération 02/01/2003.
2003 débute en douceur
C'est l'endroit de France où s'était rassemblée la foule la plus dense qui fut
finalement le plus calme : entre les jeunes chrétiens venus à Paris pour la
25e rencontre de la communauté de Taizé, les noceurs, les touristes et les 7
000 policiers ou militaires mobilisés autour de «la menace terroriste», ils
étaient 450 000 sur les Champs-Elysées à minuit, près de 50 000 au Trocadéro.
Sans incident.
Même chose à Fos-sur-Mer, dans le Sud, où chacun observait
pourtant avec circonspection les 5 000 danseurs de la première rave du
département.
Dans le registre «fêtes en lutte», 50 personnes ont trinqué avec
les ouvriers dans l'usine occupée d'ACT Manufacturing tandis que les 26
Kurdes sans papiers en grève de la faim à Bordeaux ont bu du thé sucré en
compagnie de Kurdes avec papiers, venus en visite. Décidément, cette année
encore, le nombre de voitures brûlées restera le thermomètre le plus utilisé
par les médias ou les politiques pour évaluer l'intensité d'un réveillon en
France. 379 contre 388 l'an dernier concernant la moitié des départements,
196 interpellations contre 79.
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L'Humanité 04/01/2003.
SOCIETE
Techno
Près de cinq mille teufeurs se sont réunis, le 31 décembre à Fos-sur-Mer, pour la première rave légalement organisée.
Happy new rave !
Chronique d'un réveillon électronique, la " first legal party ", au cours duquel novices et habitués ont pris le pouls du mouvement techno. Reportage.
Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), envoyé spécial.
Baisse du volume, presque imperceptible : la danse, la transe en suspens. Pas longtemps. Juste se retrouver dans cette obscurité stroboscopique, recherche à tâtons, deux mains se frôlent, deux capuches se rapprochent, premier baiser d'une année inaugurée par les " beats hardtek " du sound-system Ubik Metek. Un portable brandi comme un drapeau dans la foule, entre " happy new rave ! " et " devine d'où je t'appelle ? " Du parking, une fusée éclairante, feu d'artifice improvisé, zébrure écarlate dans la nuit. Une pause de courte durée : quelques milliers de teufeurs ont entamé l'année 2003 en participant à la " first legal party ", à une dizaine de kilomètres de Fos-sur-Mer, sur un terrain du Port autonome de Marseille, " la carrière Jean-François ". Facile à trouver : l'itinéraire est balisé et la présence en nombre des forces de l'ordre au rond-point de la Fossette auront balayé les doutes des plus septiques.
Première rave autorisée de l'année : " Cela fait plusieurs mois que l'on est en contact avec la préfecture, explique Adil, un des membres du sound-system Ubik Metek qui aura été de toutes les réunions place Beauvau. Et si ce n'est pas le fameux teknival promis par l'Intérieur parce que les propositions de terrain avec les autorités ont été trop tardives, on a décidé de maintenir cette rave. Un événement de moindre ampleur, certes, mais qui a valeur de test. " Pour Alain Marc, le directeur de cabinet de la préfecture, " si cette fête ne diffère guère des autres manifestations musicales classiques et si les amateurs de techno ont le droit, comme les autres, dans le respect de la loi, d'exprimer leur passion, celle-ci, selon le bilan que l'on pourra en tirer, va nous permettre de voir comment travailler ensemble ".
La veille, ultime rencontre pour la signature d'une " charte de bonne conduite " : d'un côté, une mobilisation conséquente sans qu'elle soit oppressante des forces de l'ordre, concours des marins-pompiers de Marseille ainsi que de la Croix-Rouge et, de l'autre, distribution de sacs poubelles à l'entrée et action de prévention contre l'alcool et les drogues avec Médecins du monde et l'association montpelliéraine Agoratek (lire ci-contre). Dialogue salutaire: le matin même, le maire de Fos-sur-Mer s'est rendu sur place. Pas de manifestation d'hostilité, les riverains les plus proches sont à une dizaine de kilomètres.
Si l'infoline, cette boîte vocale téléphonique bien connue des teufeurs, n'aura donné le lieu de la rave qu'en début de soirée, le soleil n'était pas couché que, déjà, les premiers ravers arrivaient. Une ombre en kaki sort d'une camionnette pour fouler ce terrain sentant la lavande à la recherche de son chien, n'ayant pas attendu, lui, que la dizaine de kilos de son ne se mette en branle pour entrer dans la danse. Au choix, rassemblement autour d'un feu de camp improvisé ou d'une bouteille pour se réchauffer en attendant le début de la soirée tandis que les basses surpuissantes d'un autoradio donnent le la d'une nuit qui s'annonce blanche.
21 heures : le mur d'enceintes derrière lequel se cache un DJ courbé sur ses platines crache ses premiers décibels. Public encore restreint, plutôt jeune, chiens en vadrouille au milieu des capuches rassemblées comme un essaim d'abeilles au plus près des baffles. Si l'on retrouve quelques travellers, dreads et piercing de rigueur, et d'anciens punks, pour certains, c'est le baptême du feu. Comme Jean-Christophe, par exemple : "Même si j'ai quelques amis qui vont régulièrement en free, pour moi, c'est ma première teuf. Pour le 31, j'ai décidé de franchir le pas, explique cet étudiant nivernais, DJ amateur. Ce qui est excellent ici, c'est l'ambiance, les rencontres, l'attention aux autres "
A ses côtés, Marina, petite blonde un peu méfiante : " J'ai un pote qui répondu à une interview et qui s'est retrouvé en dernière page de Nice Matin alors que ses parents n'étaient pas au courant qu'il allait régulièrement en teuf... " Pas le genre à " se coller la tête dans les enceintes ", cette habituée, qui précise " avoir découvert la musique avant la teuf ", préfère " se poser sur le côté, se laisser porter par le son ". Comme bon nombre d'aficionados du milieu techno, cette jeune femme ne supporte pas les boîtes de nuit : " Ici, on n'est pas là pour se montrer. C'est pas la foire aux bestiaux...". En tout cas, elle n'a " rien contre l'encadrement. Même si je n'ai pas l'impression de sortir de mon bon droit lorsque je vais en rave, si cela peut permettre d'éviter quelques débordements ". Néanmoins, Marina apprécie " ce petit goût de clandestinité. Je ne suis pas sûre que les raves-parties, ce soit fait pour tout le monde. Et je ne pense pas que le mouvement techno aurait intérêt à devenir un phénomène " grand public ".
Elle reste critique quant à la " gestion politique des raves. La gauche a longtemps joué la politique de l'autruche. La droite, elle, veut tout encadrer ", estime-t-elle. Jean-Christophe embraye : " Cette tentative de prise en main par la droite des frees fait que des personnes qui n'ont rien à voir avec le milieu techno s'y intéressent. Et veulent en être. Parce qu'une rave qui se tient, c'est comme une victoire. "
Voire un acte politique ? " On a une vie en dehors. Un boulot, un regard. En clair, des opinions... ", réplique Sébastien, dix-neuf ans, un forcené, même s'il sait que " l'on ne reste pas longtemps dans ce trip-là. ça dure deux-trois ans et puis après, on se calme ". Regard incisif sur la " qualité des taz " (ecstasy), le " changement de public " ou encore " l'encadrement ". " Les politiques ne peuvent pas faire autrement. Parce qu'avec ou sans autorisation, le mouvement continuera. Alors, ils tentent de le contrôler, de le canaliser. Même si, depuis, ils se sont rendus compte que cela ne sert à rien de sortir un hélico pour essayer de repérer ceux qui vont en teuf... " Des propos qui entrent en résonance avec ceux d'Adil, l'organisateur : " On ne pourra pas revenir en arrière. Si certains ont déjà claqué la porte, nous, on a fait le choix du dialogue. "
Trois heures du mat' : la soirée bat son plein avec pas loin de 5 000 personnes. Petite file d'attente devant la camionnette de Médecins du monde pour le testing tandis que, dans le " chill-out " (zone de repos) d'Agoratek, une minette un peu pompette s'étale, la cheville en vrac, sur les coussins sous le regard dubitatif du propriétaire d'un berger allemand qui n'a pas vocation à jouer l'édredon. Juste à côté, une autre jeune fille gère avec difficulté les hallucinations après avoir " gobé ". · l'entrée, étrange ballet entre gendarmes, dealers et teufeurs tandis que, sous la tente de la Croix-Rouge, on soigne les petits bobos ou les gros coups de barre.
Le soleil se lève, Sandrine, un verre de thé à la main, débarque : " Je viens terminer mon 31 ici, sourit cette bourlingueuse devant l'éternel. · trente-cinq ans - autant dire une ancêtre ! -, j'ai connu le mouvement techno à ses tout débuts. Les gens de ma génération ont lâché l'affaire. Désormais, le public est plus jeune. Beaucoup de " visiteurs ", des minots, qui, bien que privilégiés, refusent leur condition. Alors, ils viennent en free. Un peu comme moi, maintenant : pour divaguer... " Néanmoins, pour elle, " la techno, c'est une force. On est une somme d'individualités. C'est à nous de faire changer les choses, sortir du carcan dans lequel on nous enferme. "
Au petit matin, une poignée d'acharnés reste scotchée aux enceintes, un pâle soleil léchant timidement ce terrain où certains, un sac poubelle à la main, ramassent les détritus. La rave se terminera en fin d'après-midi. Mines de papier mâché, vêtements élimés, cigarette au bec, canette à la main, discussions qui se terminent ou " nuit " qui commence. Et déjà des souvenirs plein la tête. · l'horizon, le teknival du 1er mai. LE fameux " test ".
Sébastien Homer
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