RAPPORT DE LA MANIFESTATION
DU 24 MAI 2001
QUE PENSER DE CETTE MANIFESTATION NATIONALE ?
Je vais procéder en trois temps : une petite description de ce que nous avons vécu sur Marseille, puis de ce que l'on peut en penser, localement, et enfin, un élargissement au niveau national et quelques réflexions personnelles sur ce que l'on peut/devrait faire pour poursuivre la lutte. Oui, rien n'est fini, nous devons nous accrocher, nous devons poursuivre nos efforts.
Mais ce que je tiens à signaler avant tout, c'est que nous sommes à mon sens devant une situation de toute importance, devant un de ces virages brutaux que l'on peut parfois observer dans l'histoire d'une culture, d'une pratique artistique, dans un mouvement de contestation sociale, car nous sommes tout cela à la fois, et dans ce tout s'expriment nos idées. Quelle qu'en soit l'issue, bonne, mauvaise, cette situation laissera des traces durables dans les consciences comme dans les façons de faire. Un premier truc des plus parlants : pour la première fois, ce jeudi 24 mai 2001, les free parteux, population pourtant d'ordinaire peu visible, sont descendus dans la rue à Paris, Toulouse, Nantes, Lille, et Marseille... Pour la première fois, nous avons considéré la visibilité comme une arme plus que comme une entrave... Pour la première fois, nous avons dû clamer des valeurs, haut et fort, les montrer au grand jour...
LA MANIF DE MARSEILLE
Un rassemblement tranquille, préparé le lundi soir en petit comité de sons du sud-est (Ubik, Metek, W.A.R., Nonem, 6mik etc.), autour d'un verre, in Marseille city. J'ai quelques échos de ce qui s'est passé/se passe dans d'autres villes, et je sais notamment que tout n'est pas si rose ailleurs, niveau entente entre activistes/sound-systems. Alors c'est peut-être une raison de plus pour insister un poil : lors de la réunion marseillaise, pas de crises d'ego, pas de revendications de noms (de stars ?), pas de gueulantes de forcenés... Malgré toutes les inquiétudes que j'ai pu y mettre (et j'en ai mis !!!), la réunion s'est basée sur une écoute, sur un respect de l'autre et sur une attitude constructive. Chacun est reparti avec son rôle en tête, une petite cagnote collective tracts/flyers a été récoltée, et restait à espérer qu'en 2-3 jours seulement, la mobilisation ferait son effet. En tout cas, un accent tout particulier fut mis sur la question des médias, que tout le monde a souhaité voir présents sur la manif, invités en masse. Le collectif du sud-est a élu 2 "représentants", "porte-parole", "correspondants médias", je ne saurais comment dire, mais ce qui m'a fort agréablement surpris fut d'être choisi parmi eux, aux côtés de William des W.A.R. Parait que je serais un gros tchatcheur, héhé...
Le jour J, nous ne fûmes pas déçus. Très peu de choses avaient été préparées, 2-3 idées pas plus, et tout s'est déroulé, comme les instigateurs l'avaient pressenti à la réunion, à la "free parteuse"... Sous un ciel grisonnant, les gens se rassemblaient devant ce qui allait par la suite devenir les chiottes officiels de la manif : le Quick du Vieux Port, un rôle qu'il ne devrait plus quitter, ça lui va si bien ! 1500 personnes selon nos estimations les plus optimistes, 1000 selon moi (et mes photos), 500 à 800 selon un journaliste en début de manif... Là, on peut parler d'un déferlement de médias : France 3, RTL, RMC, Radio France Provence, France Inter, La Marseillaise etc. Non-stop entre 14h et presque 15h, alors que le cortège se mettait en branle. Sporadiquement, les entretiens se sont poursuivis jusqu'au soir, notamment via les portables, la mission médias a été remplie, en tout cas !
Sur ce sujet, je tiens à faire un dernier point : j'ai assisté au direct de William sur RMC (RTL ?) en conversation avec Monsieur Mariani (en duplex d'Arabie Saoudite). Ce fut un des rares face-à-face valable de ces deux dernières semaines de notre mouvement avec cet illustre Député. Bravo Will !!! ;o) Mission accomplie !!!
Le premier mouvement se lança vers la mairie toute proche,
ou nous pûmes assister à des jongleries et jeux de feu divers. Il était amusant et tellement, comment dire... free parteux ;) d'expliquer à un journaliste que nous avions décidé un sitting pacifique et silencieux au moment où tout le monde démarrait la marche, et lançait des cris de rassemblement enjoués !!!
De retour, petite pagaille passagère, embouteillage avec nos traditionels moyens de locomotion qui, eux aussi, sont des symboles de notre culture à leur manière.
Le sitting Vieux Port peut débuter !!!
Ca y est, on se lance, des camions sortent des caissons, sub-bass, basses, tweeters, un mur de son géant va se monter, un mur complètement en... carton !
Voilà une des rares actions concertées entre les sons avant la manif. C'est très drôle, car tous les participants sont focalisés dessus, comme en teuf, et cette fois-ci, je ne vois pas la chose négativement...
On va se le décorer, mais où sont les bombes que tout le monde avait promis de ramener... Héhé, à la "free parteuse" encore, un gars se rapproche et les sort de son sac, et c'est parti. Merci beaucoup ! Tout le monde y va de son tract, de son prospectus, de son commentaire griffonné sur le carton.
Les clameurs se font entendre, et des voitures se rapprochent, ouvrent leur coffre et balancent leurs auto-radio à fond, un poil d'ambiance, les jongleurs reprennent, de la farine s'envole... Le squat se prépare !!!
A la "free parteuse", une fois de plus : je n'ai jamais connu de manif qui, après seulement une heure d'inaction, tienne encore le coup. Nous sommes pourtant sur place jusqu'à 18h00 !!! A la "free parteuse" toujours, quand les bleus se rapprochent,
arrivent en force,
menacent de nous dégager manu militari, personne ne semble les craindre (bouh ! Même pas peur...).
On s'assoit un petit coup, des gars parlementent, et c'est gagné, trop facile.
On distribue beaucoup de tracts aux alentours, pour faire comprendre aux gens... Petit regret, je pense que l'on n'a pas assez insisté sur ce point, il n'aurait pas fallu lâcher l'affaire et poursuivre cette action tout au long de l'aprèm, oui mais voilà, yavait peut-être plus de tracts... Ben alors, et la tchatche ??? On est du sud on on ne l'est pas ??? ;o)
Vers 18h00, un mot d'ordre (mais de où ? Depuis le début, de toute façon, quand je dis "à la free parteuse", c'est loin d'être innocent : personne ne mène la manif, personne ne s'improvise pseudo-chefeton - mais de quoi, d'ailleurs ? - et donc, pas de risque de bouc-émissaire, tout le monde est responsable, en opposition totale avec ces amendements que nous combattons qui ne condamnent que les sons comme seuls responsables) demande d'aller se réunir sur la plage pour finir en fête. Là, confusion. Une bonne partie des manifestants se réunit vers la prefecture. Je me suis pour ma part engouffré dans un des fourgons toulonnais pour rejoindre la plage, mais arrivés là-bas, on fait demi-tour, tout le monde est à la Pref !!!
On les rejoint après les sempiternels embouteillages marseillais du soir, pour constater que tout le monde se casse et se disperse dans la joie. Ca crie, ça rit, c'est tranquille... On calme quelques excités notoires, et on décide donc aussi de se retirer. Il y a beaucoup de forces de police tout autour. Trop ?
Oui, ces courageux défenseurs de la veuve et de l'orphelin, du politicien véreux et du pollueur multi-milliardaire, de l'inégalité sociale et de l'opression continue vont s'en mettre à coeur joie : ils poursuivront les petits groupes de teuffeurs qui leur tournaient le dos, histoire de ne pas perdre leur journée et de foutre 2-3 coups de matraques, maintenant que la presse est partie, et que les teuffeurs ne sont plus en force. Manque de pot, ya même des journalistes qui se sont fait frapper dans leur déchaînement habituel de haine, dans leurs coups aveugles... On vous vomit, mais on aime paradoxalement quand vous montrez votre vrai visage de bourrins aveugles, ça nous profite !!!
UN BILAN DE LA MANIF PHOCEENNE
Ben pour moi, tout cela est fort positif. Mais il me faut aussi rapporter ici quelques propos glânés à droite et à gauche.
Certains regrettent de ne pas être venus, et ils ont bien raison !!! Nous n'avons pas, au niveau national comme local, à mon sens, montré suffisamment de force et de détermination. A suivre !!!
D'autres estiment que nous fûmes trop "bon enfant". Je suis pour ma part favorable à une première démonstration de ce type. Je suis pour que toutes nos actions restent toujours pacifiques, mais aussi pour que nous intensifions progressivement nos actes en les rendant plus... bruyants !!! ;o)
Au contraire, j'ai aussi entendu des gens considérant que nous avions donné l'image de squateurs fumant des pets et buvant des bières, point. Je ne pense pas que l'image donnée fut négative à ce point, mais il est vrai que j'estime que nous aurions pu travailler un peu plus la communication avec les quidams passant autour du sitting, je l'ai déjà dit.
Je pense quand même, malgré tous les miracles d'un système D "free parteux", que nous pourrions faire preuve la prochaine fois d'un poil plus de décisions à la base, d'une organisation un poil plus poussée. Nous n'avons eu qu'une seule réunion, le temps pressait, mais il faut se concerter un peu plus. Peut-être que les événements de la Préfecture n'auraient pas eu lieu ou auraient été plus facilement dénonçables à notre profit avec un tout petit peu plus de concertation. Mon opinion...
L'APRES MANIF
Ces propos qui vont suivre me sont personnels et n'impliquent aucunement une quelconque concertation avec d'autres sons/activistes, quoiqu'ils soient aussi le fruit de nombreuses conversations et échanges d'idées.
Dans tout moment de crise, et on doit reconnaître qu'il s'agit aujourd'hui d'une réelle crise, les tensions latentes ressortent forcément... On saisit parfois dans les discours et les débats entre acteurs du mouvement, sound-systems, artistes et activistes, de grandes divergences de pensées qui n'éclataient pas si clairement au grand jour habituellement, alors qu'une certaine routine (malsaine ?) s'était installée sur ce petit monde. A mon sens, il faut savoir tirer avantage de ce type de situation, et justement ne pas tomber tête baissée dans ce piège des rivalités et des mièvreries à tout va. Cela paraît tellement évident dit comme ça, mais la preuve est que de violentes disputes divisent actuellement de nombreux acteurs du mouvement. Cessons-les ! C'est à chacun d'être reponsable et d'oublier tout ce qui peut briser une UNION qui, même provisoire, reste ESSENTIELLE !!! Aujourd'hui plus que jamais, BE UNITED !!!
Ne pas rejeter les médias !!! Ils ont une fonction, ils ont un rôle à jouer. On pourra toujours les critiquer de tout notre soul, qui d'autre qu'eux pourra faire passer nos infos, nos revendications clairement au reste de la population. Dans l'instant présent, nous sommes sinon dépendants, sinon redevables, au moins un minimum assujettis à leur action, qui ne porte aucun tort au mouvement depuis la manif, je le pense... il est vrai que, ces 2 dernières semaines, les choses ne se sont pas toujours bien passées avec eux, mais qu'importe, ils semblent nous supporter plus aujourd'hui, profitons-en !!!
L'amendement proposé par le gouvernement parle clairement de "rassemblements exclusivement festifs à caractère musical"... Ca parle tout seul... Ne nous confinons pas dans notre petit underground chéri, pour cette fois, ouvrons toutes grandes nos portes à tous les artistes concernés. Toutes les musiques le sont, par ce texte, alors diffusons l'info au plus de monde possible. Oxygénons la révolte, tout le monde est concerné !!!
Malgré tout, restons intègres, l'union n'est pas la fusion. Par exemple, pour la manif du 16 juin, dans Paris, si une bannière M6 ou une pub quelconque traîne dans le convoi, il faut à tout prix l'arracher sans violence, mais fermement. Pas de pub, pas de concessions... A mon sens, il ne faudrait pas se cantonner à Paris pour le 16, mais organiser des street parties dans toutes les grandes villes de France : elles attireraient plus de monde que nos simples sittings du 24 mai dernier. Quand ya de la zik, ça bouge un peu plus les faignasses... Mais je ne veux pas causer de querelles sur ce point, beaucoup de gens me disent qu'une manif d'envergure sur Paris serait préférable... J'appelle à la concertation sur ce point...
Si la décision est encore repoussée, je pense qu'une street party par semaine (ou toutes les 2 semaines) dans toutes les grandes villes s'impose... Ne pas lâcher, poursuivre !!!
"Free party c'est fini", disais-je en janvier dernier... Mais ce qui n'est pas fini, ce sont nos valeurs, nos convictions, nos savoir-faire, notre culture, nos manières de faire... Tout ça, nous y croyons, nous y avons toujours cru, et c'est le moment de le revendiquer au plus fort. C'est le moment de crier au plus fort CE QUI N'EST PAS FINI et CE QU'ILS N'AURONT PAS !!!
Nous avons un peu de sursis, PROFITONS-EN !!! Il ne faut en aucun cas lâcher le morceau, oublier la mobilisation. C'est une tactique politicienne bien connue : faire traîner les choses pour finalement les imposer dans notre dos (comme les charges de CRS, nous en avons eu la preuve à Marseille ce jeudi 24 mai). Il faut au contraire INTENSIFIER LA REVOLTE !!! Et j'en conjure les acteurs du mouvement : BE UNITED !!!
Tournesol, pour Kanyar
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